CHANT I
Vers 49 à 81
DANTE EFFRAYÉ PAR LA LOUVE DEMANDE PROTECTION A VIRGILE
Ed una lupa, che di tutte brame
sembiava carca ne la sua magrezza,
e molte genti fé già viver grame,
questa mi porse tanto di gravezza
con la paura ch'uscia di sua vista,
ch'io perdei la speranza de l'altezza.
E qual è quei che volontieri acquista,
e giugne 'l tempo che perder lo face,
che 'n tutti suoi pensier piange e s'attrista;
tal mi fece la bestia sanza pace,
che, venendomi 'ncontro, a poco a poco
mi ripigneva là dove 'l sol tace.
Mentre ch'i' rovinava in basso loco,
dinanzi a li occhi mi si fu offerto
chi per lungo silenzio parea fioco.
Quando vidi costui nel gran diserto,
«Miserere di me, gridai a lui,
«qual che tu sii, od ombra od omo certo!».
Rispuosemi: «Non omo, omo già fui,
e li parenti miei furon lombardi,
mantoani per patrïa ambedui.
Nacqui sub Iulio, ancor che fosse tardi,
e vissi a Roma sotto 'l buono Augusto
nel tempo de li dèi falsi e bugiardi.
Poeta fui, e cantai di quel giusto
figliuol d'Anchise che venne di Troia,
poi che 'l superbo Ilïón fu combusto.
Ma tu perché ritorni a tanta noia?
perché non sali il dilettoso monte
ch'è principio e cagion di tutta Gioia?».
«Or se' tu quel Virgilio e quella fonte
che spandi di parlar sì largo fiume?»,
rispuos' io lui con vergognosa fronte.
En même temps une louve qui, dans sa maigreur, semblait porter en soi toutes les avidités, et qui a déjà fait vivre misérables bien des gens. Elle me jeta en tant d'abattement, par la frayeur qu'inspirait sa vue, que je perdis l'espérance d'atteindre le sommet.
Tel que celui qui désire gagner, pleure et s'attriste en tous ses pensers, lorsque le temps amène sa perte, tel me fit la bête sans paix, qui, peu à peu s'approchant de moi, me repoussait là où le soleil se tait.
Pendant qu'en bas je m'affaissais, à mes yeux s'offrit qui par un long silence paraissait enroué; lorsque, dans le grand désert, je le vis: — Aie pitié de moi, lui criai-je, qui que tu sois, ou ombre d'homme, ou homme véritable.
Il me répondit: «Homme ne suis-je, jadis homme je fus, et mes parents étaient Lombards, et tous deux eurent Mantoue pour patrie, je naquis sub Julio, bien que tard, et vécus à Rome sous le bon Auguste, au temps des dieux faux et, menteurs. Je fus poète et chantai ce juste fils d'Anchise, qui vint de Troie, après l'incendie du superbe Ilion, mais toi pourquoi retourner à tant d'ennui? Pourquoi ne gravis-tu point le délicieux mont, principe et source de toute joie?».
Serais-tu ce Virgile, cette fontaine d'où coule un si large fleuve du parler? lui répondis-je, la rougeur au front.