CHANT X

Vers 1 à 36

DANS LE CERCLE DES HÉRÉSIARQUES, DANTE RENCONTRE L'ÂME DE FARINATA DEGLI UBERTI*

Ora sen va per un secreto calle,
tra 'l muro de la terra e li martìri,
lo mio maestro, e io dopo le spalle.

«O virtù somma, che per li empi giri
mi volvi», cominciai, «com' a te piace,
parlami, e sodisfammi a' miei disiri.

La gente che per li sepolcri giace
potrebbesi veder? già son levati
tutt' i coperchi, e nessun guardia face».

E quelli a me: «Tutti saran serrati
quando di Iosafàt qui torneranno
coi corpi che là sù hanno lasciati.

Suo cimitero da questa parte hanno
con Epicuro tutti suoi seguaci,
che l'anima col corpo morta fanno.

Però a la dimanda che mi faci
quinc' entro satisfatto sarà tosto,
e al disio ancor che tu mi taci».

E io: «Buon duca, non tegno riposto
a te mio cuor se non per dicer poco,
e tu m'hai non pur mo a ciò disposto».

«O Tosco che per la città del foco
vivo ten vai così parlando onesto,
piacciati di restare in questo loco.

La tua loquela ti fa manifesto
di quella nobil patrïa natio,
a la qual forse fui troppo molesto».

Subitamente questo suono uscìo
d'una de l'arche; però m'accostai,
temendo, un poco più al duca mio.

Ed el mi disse: «Volgiti! Che fai?
Vedi là Farinata che s'è dritto:
da la cintola in sù tutto 'l vedrai».

Io avea già il mio viso nel suo fitto;
ed el s'ergea col petto e con la fronte
com' avesse l'inferno a gran dispitto.

Maintenant, par un étroit sentier, entre le mur de la ville et les tourmentés, va mon Maître et moi derrière lui. – O vertu suprême dis-je, qui, comme il te plaît, me conduis par les tristes circuits, parle-moi et satisfais mes désirs. La gent qui gît dans les sépulcres, pourrait-on la voir? Tous les couvercles sont levés, et nul ne les garde. Et lui à moi: «Tous seront scellés, quand de Josaphat ils reviendront ici avec les corps qu'ils ont laissés là-haut. De ce côté ont leur cimetière, avec Épicure, tous ces sectateurs, qui veulent que l'âme meure avec le corps. Au reste, de là dedans on satisfera bientôt ta demande, et aussi le désir que tu me tais.» Et moi: – Bon maître, si je ne te découvre pas tout mon coeur, c'est pour être bref comme déjà auparavant tu m'y as induit.

– «O Toscan, qui t'en vas, vivant, par la cité du feu ainsi sagement parlant, qu'il te plaise t'arrêter en ce lieu! Ton langage montre que tu es né dans cette noble patrie à laquelle peut-être je fus trop rude.»

Subitement cette voix sortit d'une des tombes: de quoi effrayé, je me rapprochai un peu de mon Guide. Et lui me dit: «Que fais-tu? Tourne-toi. Vois là Farinata qui s'est levé: tu le verras tout entier de la ceinture en haut.»

J'avais déjà mes yeux fixés sur les siens, et lui de la poitrine et du front se dressait, comme s'il eût eu l'enfer à grand mépris.

* Farinata degli Uberti, chef des Gibelins de Florence au 12 ème siècle. Battu par les Guelfes (lr parti de Dante) en 1250. Il reprit toutes les villes de Toscanes, 10 ans après.