CHANT XXVIII

Vers 112 à 142

DANS LA NEUVIÈME BOLGE DES FAUTEURS DE SCANDALE, DE SHISMES ET DE DISCORDE, DANTE RENCONTRE MAHOMET QUI PERD SES TRIPES EN SE DÉCHIRANT LE TRONC ET, PARMI LA BANDE DES DAMNES BERTRAND DE BORNIO DONT LA TÊTE EST SÉPARÉE DU CORPS

Ma io rimasi a riguardar lo stuolo,
e vidi cosa ch'io avrei paura,
sanza più prova, di contarla solo;

se non che coscïenza m'assicura,
la buona compagnia che l'uom francheggia
sotto l'asbergo del sentirsi pura.

Io vidi certo, e ancor par ch'io 'l veggia,
un busto sanza capo andar sì come
andavan li altri de la trista greggia;

e 'l capo tronco tenea per le chiome,
peso con mano a guisa di lanterna:
e quel mirava noi e dicea: «Oh me!».

Di sé facea a sé stesso lucerna,
ed eran due in uno e uno in due;
com' esser può, quei sa che sì governa.

Quando diritto al piè del ponte fue,
levò 'l braccio alto con tutta la testa
per appressarne le parole sue,

che fuoro: «Or vedi la pena molesta,
tu che, spirando, vai veggendo i morti:
vedi s'alcuna è grande come questa.

E perché tu di me novella porti,
sappi ch'i' son Bertram dal Bornio, quelli
che diedi al re giovane i ma' conforti.

Io feci il padre e 'l figlio in sé ribelli;
Achitofèl non fé più d'Absalone
e di Davìd coi malvagi punzelli.

Perch' io parti' così giunte persone,
partito porto il mio cerebro, lasso!,
dal suo principio ch'è in questo troncone.

Così s'osserva in me lo contrapasso».

Je restai, moi, à regarder la bande*, et je vis une chose que seul, sans preuve, je n'oserais raconter, si ne me rassurait la conscience, cette bonne compagne qui, se sentant pure, sous cette cuirasse rend l'homme courageux.

Je vis certainement, et il me semble encore le voir, un buste sans tête aller comme allaient les autres du triste troupeau. Avec la main il tenait, par les cheveux, la tête pendante, en façon de lanterne, et la tête nous regardait et disait: «Hélas!» Il se faisait de soi-même une lampe, et ils étaient deux en un, et un en deux. Comment cela se peut, le sait celui qui ainsi l'ordonne. Quand il fut droit au pied du pont, en haut avec le bras il leva la tête, pour rapprocher de nous ses paroles, qui furent: «Vois la peine cruelle, toi qui, vivant, vas regardant les morts; vois s'il en est aucune aussi grande que celle-là. Et pour que de moi tu portes nouvelle, sache que je suis Bertrand de Bornio, celui qui donna au roi Jean les encouragements mauvais. Je rendis ennemis le père et le fils: d'Absalon et David ne fit pas plus Achitophel par ses méchantes instigations. Pour avoir divisé des personnes si proches, je porte, malheureux, mon cerveau séparé du principe de sa vie, qui est dans ce tronc. Ainsi en moi s'observe le talion».

* Mahomet et Ali, son neveu,
Robert Guiscard, frère de Richard, duc de Normandie, chassa les Sarrasins de la Sicile et de la Pouille après de sanglants combats Alard de Valéri, Charles d'Anjou, combattant à Tagliacozzo, château de l'Abruzze ultérieure, contre Conradin, neveu de Manfred, dut la victoire à un conseil que lui donna Alard de Valéri, lequel ainsi «vainquit sans armes».
Pierre de Médicina
Curion, banni de Rome, décida César, qui hésitait encore, à passer le Rubicon.
Mosca De la famille des Uberti, d'autres disent des Lamberti. Buondelmonte des Buondelmonti, séduit par les flatteries d'une femme de la famille des Donati, épousa sa fille, manquant ainsi à l'engagement qu'il avait pris d'en épouser une autre de la famille des Amidei. Ceux-ci le firent tuer pour venger cet affront, et ce fut Mosca qui conseilla et exécuta le meurtre. Il y décida les Amidei par cette espèce de dicton que Dante rappelle: Capo ha cosa fatta. « Fin a chose faite, » Ce meurtre « chez les Toscans fut la mauvaise semence, » c'est-à-dire la semence des discordes civiles qui bientôt après désolèrent Florence divisée en deux partis, le parti Guelfe et le parti Gibelin.
Achitophel Conseiller du roi David