CHANT I
Vers 1 à 54
EN ARRIVANT AU PURGATOIRE OÙ SE PURIFIENT LES ÂMES DE CEUX QUI IRONT AU PARADIS, VIRGILE ET DANTE RENCONTRENT CATON D'UTIQUE* QUI FUT RÉPUTÉ POUR SA SAGESSE
Per correr miglior acque alza le vele
omai la navicella del mio ingegno,
che lascia dietro a sé mar sì crudele;
e canterò di quel secondo regno
dove l'umano spirito si purga
e di salire al ciel diventa degno.
Ma qui la morta poesì resurga,
o sante Muse, poi che vostro sono;
e qui Calïopè alquanto surga,
seguitando il mio canto con quel suono
di cui le Piche misere sentiro
lo colpo tal, che disperar perdono.
Dolce color d'orïental zaffiro,
che s'accoglieva nel sereno aspetto
del mezzo, puro infino al primo giro,
a li occhi miei ricominciò diletto,
tosto ch'io usci' fuor de l'aura morta
che m'avea contristati li occhi e 'l petto.
Lo bel pianeto che d'amar conforta
faceva tutto rider l'orïente,
velando i Pesci ch'erano in sua scorta.
I' mi volsi a man destra, e puosi mente
a l'altro polo, e vidi quattro stelle
non viste mai fuor ch'a la prima gente.
Goder pareva 'l ciel di lor fiammelle:
oh settentrïonal vedovo sito,
poi che privato se' di mirar quelle!
Com' io da loro sguardo fui partito,
un poco me volgendo a l'altro polo,
là onde 'l Carro già era sparito,
vidi presso di me un veglio solo,
degno di tanta reverenza in vista,
che più non dee a padre alcun figliuolo.
Lunga la barba e di pel bianco mista
portava, a' suoi capelli simigliante,
de' quai cadeva al petto doppia lista.
Li raggi de le quattro luci sante
fregiavan sì la sua faccia di lume,
ch'i' 'l vedea come 'l sol fosse davante.
«Chi siete voi che contro al cieco fiume
fuggita avete la pregione etterna?»,
diss' el, movendo quelle oneste piume.
«Chi v'ha guidati, o che vi fu lucerna,
uscendo fuor de la profonda notte
che sempre nera fa la valle inferna?
Son le leggi d'abisso così rotte?
o è mutato in ciel novo consiglio,
che, dannati, venite a le mie grotte?».
Lo duca mio allor mi diè di piglio,
e con parole e con mani e con cenni
reverenti mi fé le gambe e 'l ciglio.
Poscia rispuose lui: «Da me non venni:
donna scese del ciel, per li cui prieghi
de la mia compagnia costui sovvenni.
Pour voguer sur une onde meilleure, maintenant la nacelle de mon esprit déploie ses voiles, laissant derrière une mer si cruelle ; et je chanterai ce second royaume où l'âme humaine se purifie, et devient digne de monter au ciel. Mais qu'ici renaisse la poésie morte, ô Muses saintes! puisque je suis à vous, et qu'ici un peu se lève Calliope, accompagnant mon chant de ces sons qui tellement frappèrent les filles de Piérius, qu'elles désespérèrent du pardon.
Une douce teinte de saphir oriental qui, jusqu'au premier cercle, menaçait l'aspect serein de l'air pur, rendit à mes yeux le plaisir, dès que je fus hors de la morte atmosphère, qui m'avait contristé la vue et le cœur.
La belle planète qui invite à aimer, voilait les Poissons qui la suivaient, et, par elle animé, tout l'Orient souriait.
Je tournai à main droite, et je pensai à l'autre pôle, et je vis quatre étoiles que nul ne vit jamais, hors la race première.
Le ciel semblait se réjouir de leur flamme. O Septentrion vraiment veuf, privé que tu es de les contempler!
Lorsque j'eus cessé de les regarder, me tournant un peu vers l'autre pôle, où déjà le chariot avait disparu, je vis près de moi un vieillard seul, digne, à le voir, de tant de révérence, que plus à son père n'en doit aucun fils. Il avait une longue barbe, mêlée de poils blancs, comme les cheveux, desquels sur la poitrine tombait une double tresse. Les rayons des quatre saintes étoiles ornaient tellement sa face de lumière, que je la voyais comme si le soleil eût été devant.
« Qui êtes-vous, vous qui, à l'opposé du sombre fleuve, avez fui l'éternelle prison? dit-il en agitant sa barbe vénérable. Qui vous a guidés? Qui a été votre lampe, en sortant de la profonde nuit, qui toujours obscurcit la vallée infernale? Les lois de l'abîme sont-elles ainsi violées? Ou, dans le ciel, a-t-on changé de conseil, que condamnés, vous veniez dans mes grottes?»
Mon Guide alors me prit la main, et ses paroles, ses mains, ses signes, disposèrent au respect mes jambes et mes yeux. Ensuite il répondit: « Je ne suis pas venu de moi-même. Du ciel descendit une Dame, dont les prières obtinrent à celui-ci le secours de ma compagnie ».
* Caton le Jeune, (Marcus Porcius Cato Uticencis (95-46 av. J-C) homme politique romain qui vécut à Utique, l'actuelle Tunisie et se donna la mort en se transperçant avec son épée après une défait contre Jules César.