CHANT XIII
Vers 100 à 123
DANS LA DEUXIÈME BOLGE OÙ LES ÂMES SE PURIFIENT DE L'ENVIE, PARMI LES OMBRES AUX PAUPIÈRES COUSUES, DANTE RENCONTRE SAPIA*, FEMME DE VIVIANO DE' GHINIBALDI
Tra l'altre vidi un'ombra ch'aspettava
in vista; e se volesse alcun dir «Come?»,
lo mento a guisa d'orbo in sù levava.
«Spirto», diss' io, «che per salir ti dome,
se tu se' quelli che mi rispondesti,
fammiti conto o per luogo o per nome».
«Io fui sanese», rispuose, e con questi
altri rimendo qui la vita ria,
lagrimando a colui che sé ne presti.
Savia non fui, avvegna che Sapìa
fossi chiamata, e fui de li altrui danni
più lieta assai che di ventura mia.
E perché tu non creda ch'io t'inganni,
odi s'i' fui, com' io ti dico, folle,
già discendendo l'arco d'i miei anni.
Eran li cittadin miei presso a Colle
in campo giunti co' loro avversari,
e io pregava Iddio di quel ch'e' volle.
Rotti fuor quivi e vòlti ne li amari
passi di fuga; e veggendo la caccia,
letizia presi a tutte altre dispari,
tanto ch'io volsi in sù l'ardita faccia,
gridando a Dio: "Omai più non ti temo!",
come fé 'l merlo per poca bonaccia.
Entre les autres je vis une ombre qui semblait en attente; et si quelqu'un me demandait comment, suivant l'usage des aveugles, elle levait le menton.
Esprit, dis-je qui te mortifies pour monter, si tu es celui qui m'a répondu, fais-toi connaître à moi, ou par le lieu ou par le nom. «Je fus de Sienne, répondît-il, et avec ces autres je me purifie de ma vie mauvaise, demandant avec larmes que se donne à nous celui que nous implorons. Sage ne fus, quoique Sapia je fusse nommée, et plus de joie beaucoup j'eus du mal d'autrui, que de mon propre bien. Et afin que tu ne penses pas que je te trompe, écoute si, comme je te le dis, je fus insensée. Déjà je descendais la pente de mes ans, et mes concitoyens étaient, près de Colle, aux prises avec leurs ennemis; et je demandais à Dieu ce que, d'effet, il voulut. Là, défaits, l'amère fuite précipita leurs pas, et voyant la chasse, j'en conçus une joie plus vive que toutes les autres joies, et si grande que je levai ma face hardie, criant à Dieu: «Désormais plus ne te crains!» comme fait le merle pour un peu de bonace.
* Ayant été reléguée à Colle, Sapia prit en haine ses concitoyens, de sorte qu'elle se réjouit vivement de leur défaite dans un combat qu'ils livrèrent contre les Florentins