CHANT XXVII

Vers 91 à 141

APRÈS ÊTRE SORTI DE SON RÊVE, DANTE ARRIVE AU SOMMET DU MONT ET VIRGILE LE COURONNE ET LE MITRE

Sì ruminando e sì mirando in quelle,
mi prese il sonno; il sonno che sovente,
anzi che 'l fatto sia, sa le novelle.

Ne l'ora, credo, che de l'orïente
prima raggiò nel monte Citerea,
che di foco d'amor par sempre ardente,

giovane e bella in sogno mi parea
donna vedere andar per una landa
cogliendo fiori; e cantando dicea:

«Sappia qualunque il mio nome dimanda
ch'i' mi son Lia, e vo movendo intorno
le belle mani a farmi una ghirlanda.

Per piacermi a lo specchio, qui m'addorno;
ma mia suora Rachel mai non si smaga
dal suo miraglio, e siede tutto giorno.

Ell' è d'i suoi belli occhi veder vaga
com' io de l'addornarmi con le mani;
lei lo vedere, e me l'ovrare appaga».

E già per li splendori antelucani,
che tanto a' pellegrin surgon più grati,
quanto, tornando, albergan men lontani,

le tenebre fuggian da tutti lati,
e 'l sonno mio con esse; ond' io leva'mi,
veggendo i gran maestri già levati.

«Quel dolce pome che per tanti rami
cercando va la cura de' mortali,
oggi porrà in pace le tue fami».

Virgilio inverso me queste cotali
parole usò; e mai non furo strenne
che fosser di piacere a queste iguali.

Tanto voler sopra voler mi venne
de l'esser sù, ch'ad ogne passo poi
al volo mi sentia crescer le penne.

Come la scala tutta sotto noi
fu corsa e fummo in su 'l grado superno,
in me ficcò Virgilio li occhi suoi,

e disse: «Il temporal foco e l'etterno
veduto hai, figlio; e se' venuto in parte
dov' io per me più oltre non discerno.

Tratto t'ho qui con ingegno e con arte;
lo tuo piacere omai prendi per duce;
fuor se' de l'erte vie, fuor se' de l'arte.

Vedi lo sol che 'n fronte ti riluce;
vedi l'erbette, i fiori e li arbuscelli
che qui la terra sol da sé produce.

Mentre che vegnan lieti li occhi belli
che, lagrimando, a te venir mi fenno,
seder ti puoi e puoi andar tra elli.

Non aspettar mio dir più né mio cenno;
libero, dritto e sano è tuo arbitrio,
e fallo fora non fare a suo senno:

per ch'io te sovra te corono e mitrio».



A l'heure, je crois, où, sur le mont, commença à luire Cythérée, qui du feu d'amour toujours paraît ardente, il me semblait en songe voir une Dame jeune et belle se promener dans une prairie, cueillant des fleurs; et chantant, elle disait: «Sache quiconque demande mon nom, que je suis Lia, et je vais mouvant à l'entour mes belles mains pour me faire une guirlande. Pour me plaire au miroir, ici je me pare; ma sœur Rachel, du miroir, elle, jamais ne s'éloigne, et tout le jour elle est assise. A voir ses beaux yeux elle se complaît, comme moi, à m'orner avec les mains: le voir est sa joie, et l'agir, la mienne».


Déjà, devant les lueurs de l'aube, d'autant plus douces aux voyageurs que moins loin ils sont de la patrie où ils reviennent, fuyaient de tous côtés les ténèbres, et avec elles mon sommeil: par quoi je me levai, voyant les grands Maîtres déjà debout.


«Ce doux fruit que sur tant de rameaux va cherchant le souci des mortels, aujourd'hui apaisera ta faim». Ces paroles m'adressa Virgile, et jamais don ne fit un plaisir égal. Tant désir sur désir il me vint d'être en haut, qu'à chaque pas, ensuite, pour voler je me sentais croître les ailes.


Lorsque tout l'escalier, au-dessous de nous eut été parcouru, et que nous fûmes sur la dernière marche, Virgile sur moi fixa ses yeux, et dit: «Tu as vu, mon fils, le feu temporel et l'éternel, et tu es parvenu en un lieu où par moi-même plus rien je ne discerne. Par industrie et par art ici je t'ai amené; prends maintenant ton bon plaisir pour guide: tu es hors des routes escarpées, hors des voies étroites. Vois le Soleil qui reluit devant toi; vois l'herbe, les fleurs et les arbustes que cette terre produit d'elle-même. Tandis que pleins de joie viennent les beaux yeux dont les larmes me firent venir à toi, tu peux t'asseoir, et ensuite aller à travers ces campagnes. N'attends plus mon dire ni mon signe: droit et sain est ton libre arbitre, et ce serait une faute que de ne pas agir suivant son jugement; ce pourquoi, souverain de toi-même, je te couronne et te mitre».