CHANT XXXI
Vers 103 à 145
MATHILDE, LA BELLE DAME PRÉCÉDEMMENT RENCONTRÉE, EMMÈNE DANTE SUR LA RIVE DU FLEUVE OÙ SE TROUVE BEATRICE. LES SEPT VERTUS L'ENLACENT ET DEMANDENT SA GRÂCE À BÉATRICE QUI ACCEPTE DE SE DÉVOILER
Indi mi tolse, e bagnato m'offerse
dentro a la danza de le quattro belle;
e ciascuna del braccio mi coperse.
«Noi siam qui ninfe e nel ciel siamo stelle;
pria che Beatrice discendesse al mondo,
fummo ordinate a lei per sue ancelle.
Merrenti a li occhi suoi; ma nel giocondo
lume ch'è dentro aguzzeranno i tuoi
le tre di là, che miran più profondo».
Così cantando cominciaro; e poi
al petto del grifon seco menarmi,
ove Beatrice stava volta a noi.
Disser: «Fa che le viste non risparmi;
posto t'avem dinanzi a li smeraldi
ond' Amor già ti trasse le sue armi».
Mille disiri più che fiamma caldi
strinsermi li occhi a li occhi rilucenti,
che pur sopra 'l grifone stavan saldi.
Come in lo specchio il sol, non altrimenti
la doppia fiera dentro vi raggiava,
or con altri, or con altri reggimenti.
Pensa, lettor, s'io mi maravigliava,
quando vedea la cosa in sé star queta,
e ne l'idolo suo si trasmutava.
Mentre che piena di stupore e lieta
l'anima mia gustava di quel cibo
che, saziando di sé, di sé asseta,
sé dimostrando di più alto tribo
ne li atti, l'altre tre si fero avanti,
danzando al loro angelico caribo.
«Volgi, Beatrice, volgi li occhi santi»,
era la sua canzone, «al tuo fedele
che, per vederti, ha mossi passi tanti!
Per grazia fa noi grazia che disvele
a lui la bocca tua, sì che discerna
la seconda bellezza che tu cele».
O isplendor di viva luce etterna,
chi palido si fece sotto l'ombra
sì di Parnaso, o bevve in sua cisterna,
che non paresse aver la mente ingombra,
tentando a render te qual tu paresti
là dove armonizzando il ciel t'adombra,
quando ne l'aere aperto ti solvesti?
Ensuite elle me retira, et tout humide m'introduisit dans la danse des quatre belles; et chacune d'un bras m'enlaça. «Nymphes ici nous sommes, et dans le ciel nous sommes étoiles; avant que Béatrice descendît du ciel, nous lui fûmes destinées pour servantes. Nous te mènerons devant ses yeux; mais aiguiseront les tiens, pour qu'ils pénètrent dans la lumière qui en eux brille, les trois de l'autre côté, qui voient plus avant». Ainsi chantant elles commencèrent: puis avec elles elles me menèrent à la poitrine du Griffon, où Béatrice debout était tournée vers nous. Elles dirent: «N'épargne point les regards; nous t'avons placé devant les émeraudes, dont jadis l'Amour tira les traits qui te blessèrent». Mille désirs plus ardents que la flamme, lièrent mes yeux à ses yeux brillants, qui demeuraient fixés sur le Griffon.
Comme le soleil dans le miroir, ainsi l'animal double rayonnait dedans, offrant tantôt un aspect et tantôt un autre. Pense, lecteur, si je m'étonnais, voyant l'objet demeurer le même, et son image changer. Tandis que, pleine de stupeur et de joie, mon âme goûtait de cet aliment, qui, rassasiant de soi, de soi renouvelle la faim; par leur démarche se montrant delà plus haute tribu, les trois autres s'avancèrent en chantant leur angélique parole. «Tourne, Béatrice,» chantaient-elles, «tourne tes yeux saints sur ton fidèle, qui pour te voir a fait tant de pas! De grâce, accorde-nous de lui dévoiler ta face, pour qu'il con temple la seconde beauté que tu cèles».
O splendeur de la vive lumière éternelle! Qui, tant eût-il pâli sous les ombres du Parnasse, ou bu à ses fontaines ne paraîtrait impuissant d'esprit, s'il tentait de te peindre telle que tu apparus là où le ciel t'enveloppe d'harmonie et de fleurs, lorsqu'au grand jour tu te découvris?