CHANT XXXII

Vers 82 à 105

SORTANT D'UN PROFOND SOMMEIL DANTE REVOIT BÉATRICE QUI LUI DEMANDE D'ÉCRIRE CE QU'IL VA VOIR, SOIT LES REPRÉSENTATIONS DE LA CORRUPTION: LE RENARD, L'AIGLE DÉPLUMÉ, LA COURTISANE ET LE GÉANT

Tal torna' io, e vidi quella pia
sovra me starsi che conducitrice
fu de' miei passi lungo 'l fiume pria.

E tutto in dubbio dissi: «Ov' è Beatrice?».
Ond' ella: «Vedi lei sotto la fronda
nova sedere in su la sua radice.

Vedi la compagnia che la circonda:
li altri dopo 'l grifon sen vanno suso
con più dolce canzone e più profonda».

E se più fu lo suo parlar diffuso,
non so, però che già ne li occhi m'era
quella ch'ad altro intender m'avea chiuso.

Sola sedeasi in su la terra vera,
come guardia lasciata lì del plaustro
che legar vidi a la biforme fera.

In cerchio le facevan di sé claustro
le sette ninfe, con quei lumi in mano
che son sicuri d'Aquilone e d'Austro.

«Qui sarai tu poco tempo silvano;
e sarai meco sanza fine cive
di quella Roma onde Cristo è romano.

Però, in pro del mondo che mal vive,
al carro tieni or li occhi, e quel che vedi,
ritornato di là, fa che tu scrive».



Tel me réveillai-je et je vis, debout au-dessus de moi, cette Dame pieuse, qui auparavant le long du fleuve avait guidé mes pas; et plein de trouble, je dis:
- Où est Béatrice? Et elle: «Vois-la, sous le feuillage nouveau, assise sur sa racine. Vois la compagnie qui l'entoure: à la suite du Griffon les autres s'en vont en haut, chantant un hymne plus doux et d'un sens plus profond». Je ne sais si son parler fut plus étendu, parce que dans mes yeux déjà était celle qui m'empêchait d'être attentif à autre chose.

Elle était seule assise sur la vraie terre, comme une garde laissée près du char, que j'avais vu lier par l'animal biforme. Un cercle autour d'elle formaient les sept nymphes; ayant en main ces lumières qui sont à l'abri de l'Auster et de l'Aquilon. «Tu séjourneras ici un peu de temps dans la forêt, puis sans fin tu seras avec moi citoyen de cette Rome dont le Christ est Romain. Cependant pour le bien du monde, qui vit mal, tiens maintenant les yeux fixés sur le char; et ce que tu verras, de retour là, écris-le». Ainsi parla Béatrice, et moi qui devant ses commandements étais prosterné, où elle voulait j'attachai l'attention et les yeux.