CHANT IV
Vers 43 à 99
DANS LES LIMBES, VIRGILE RETROUVE HOMÈRE, HORACE, OVIDE ET LUCAIN
Gran duol mi prese al cor quando lo 'ntesi,
però che gente di molto valore
conobbi che 'n quel limbo eran sospesi.
«Dimmi, maestro mio, dimmi, segnore»,
comincia' io per volere esser certo
di quella fede che vince ogne errore:
«uscicci mai alcuno, o per suo merto
o per altrui, che poi fosse beato?».
E quei che 'ntese il mio parlar coverto,
rispuose: «Io era nuovo in questo stato,
quando ci vidi venire un possente,
con segno di vittoria coronato.
Trasseci l'ombra del primo parente,
d'Abèl suo figlio e quella di Noè,
di Moïsè legista e ubidente;
Abraàm patrïarca e Davìd re,
Israèl con lo padre e co' suoi nati
e con Rachele, per cui tanto fé,
e altri molti, e feceli beati.
E vo' che sappi che, dinanzi ad essi,
spiriti umani non eran salvati».
Non lasciavam l'andar perch' ei dicessi,
ma passavam la selva tuttavia,
la selva, dico, di spiriti spessi.
Non era lunga ancor la nostra via
di qua dal sonno, quand' io vidi un foco
ch'emisperio di tenebre vincia.
Di lungi n'eravamo ancora un poco,
ma non sì ch'io non discernessi in parte
ch'orrevol gente possedea quel loco.
«O tu ch'onori scïenzïa e arte,
questi chi son c'hanno cotanta onranza,
che dal modo de li altri li diparte?».
E quelli a me: «L'onrata nominanza
che di lor suona sù ne la tua vita,
grazïa acquista in ciel che sì li avanza».
Intanto voce fu per me udita:
«Onorate l'altissimo poeta;
l'ombra sua torna, ch'era dipartita».
Poi che la voce fu restata e queta,
vidi quattro grand' ombre a noi venire:
sembianz' avevan né trista né lieta.
o buon maestro cominciò a dire:
«Mira colui con quella spada in mano,
che vien dinanzi ai tre sì come sire:
quelli è Omero poeta sovrano;
l'altro è Orazio satiro che vene;
Ovidio è 'l terzo, e l'ultimo Lucano.
Però che ciascun meco si convene
nel nome che sonò la voce sola,
fannomi onore, e di ciò fanno bene».
Così vid' i' adunar la bella scola
di quel segnor de l'altissimo canto
che sovra li altri com' aquila vola.
Da ch'ebber ragionato insieme alquanto,
volsersi a me con salutevol cenno,
e 'l mio maestro sorrise di tanto;
Le bon Maître me dit: «Tu ne demandes point qui sont ces esprits que tu vois? Or, avant d'aller plus loin, je veux que tu saches qu'ils ne péchèrent point: mais, si leurs oeuvres furent bonnes, cela ne suffit, parce qu'ils ne reçurent point le baptême, qui est la porte de la foi que tu crois. Ayant vécu avant le christianisme, ils n'adorèrent point Dieu dûment, et je suis moi-même de ceux-là. Pour ces choses qui nous ont manqué, non pour autre crime, nous sommes perdus, et notre seule peine est de vivre dans le désir sans espérance.»
Une grande tristesse me prit au coeur lorsque je l'entendis; car je reconnus des gens de haute valeur ainsi suspendus.
- Dis-moi, mon Maître, dis-moi, Seigneur, commençai-je, voulant être certain de cette foi qui vainc toute erreur, jamais aucun, par ses mérites ou les mérites d'autrui, est-il sorti d'ici pour être heureux ensuite?
Et lui, qui comprit mon parler couvert, répondit: «J'étais nouveau en ce lieu, lorsque j'y vis venir un Puissant, couronné du signe de la victoire.*
Il en tira l'ombre du premier père, d'Abel son fils, celle de Noé et celle de Moïse, législateur et obéissant; le patriarche Abraham et le roi David; Israël, et son père et ses enfants, et Rachel pour qui il fit tant, et beaucoup d'autres, et les fit heureux; car je veux que tu saches qu'auparavant les âmes humaines n'étaient pas sauvées.»
Nous ne cessions point d'aller pendant qu'il parlait, mais nous traversions la forêt, je veux dire l'épaisse forêt des esprits. Nous n'étions pas encore descendu beaucoup au-dessous du sommet, quand je vis un feu rayonnant autour d'un hémisphère de ténèbres. Nous en étions encore un peu loin, mais non pas tant que je n'y discernasse en partie qu'une gent illustre occupait ce lieu.
- O toi, qui honores toute science et tout art, qui sont ceux-ci que sépare des autres l'honneur qu'on leur rend?
Et lui à moi: « Leurs noms glorieux, dont retentit le monde où tu vis, leur acquièrent dans le ciel la faveur qui tant les élève.»
Lorsque j'entendis une voix: «Honorez le grand Poète son ombre qui était partie revient.»
Lorsque la voix se tut, je vis quatre grandes ombres venir à nous; elles ne semblaient ni tristes, ni joyeuses.
Le bon Maître me dit: «Regarde celui qui, avec cette épée en main, marche comme seigneur devant les autres: celui-là est Homère, le poète souverain, et l'autre qui vient ensuite est Horace le satirique; Ovide est le troisième, et le dernier Lucain; quoiqu'à chacun d'eux, comme à moi, convienne le nom qu'a prononcé la voix seule, ils m'honorent et en cela ils font bien.»Ainsi je vis se rassembler la belle école du roi des chants élevés,** qui au-dessus des autres vole comme l'aigle.
Lorsqu'ils eurent ensemble un peu discouru, ils se tournèrent vers moi, me saluant du geste, et mon Maître en sourit.
* Jésus
** Homère