CHANT XVII

Vers 1 à 33

APRÈS AVOIR VU LES OMBRES DES USURIERS AVIDES, VIRGILE ET DANTE, SUR LE DOS DE GERYON, PLONGENT VERS MALEBOLGE, LE HUITIÈME CERCLE DE L'ENFER

«Ecco la fiera con la coda aguzza,
che passa i monti e rompe i muri e l'armi!
Ecco colei che tutto mondo appuzza!».

Sì cominciò lo mio duca a parlarmi;
e accennolle che venisse a proda,
vicino al fin d'i passeggiati marmi.

E quella sozza imagine di froda
sen venne, e arrivò la testa e 'l busto,
ma 'n su la riva non trasse la coda.

La faccia sua era faccia d'uom giusto,
tanto benigna avea di fuor la pelle,
e d'un serpente tutto l'altro fusto;

due branche avea pilose insin l'ascelle;
lo dosso e 'l petto e ambedue le coste
dipinti avea di nodi e di rotelle.

Con più color, sommesse e sovraposte
non fer mai drappi Tartari né Turchi,
né fuor tai tele per Aragne imposte.

Come talvolta stanno a riva i burchi,
che parte sono in acqua e parte in terra,
e come là tra li Tedeschi lurchi

lo bivero s'assetta a far sua guerra,
così la fiera pessima si stava
su l'orlo ch'è di pietra e 'l sabbion serra.

Nel vano tutta sua coda guizzava,
torcendo in sù la venenosa forca
ch'a guisa di scorpion la punta armava.

Lo duca disse: «Or convien che si torca
la nostra via un poco insino a quella
bestia malvagia che colà si corca».

Però scendemmo a la destra mammella,
e diece passi femmo in su lo stremo,
per ben cessar la rena 33 e la fiammella.



«Voilà la bête à la queue affilée, qui traverse les montagnes, brise les murs et les armes: voilà celle qui infecte le monde entier.» Ainsi mon Guide commença de me parler, et il lui fit signe d'aborder aux rochers où nous marchions. Et cette difforme image de la fraude atterrit de la tête et du buste, mais sur la rive elle ne tira point la queue. Sa face était celle d'un homme juste, bénigne en était l'apparence, et le corps en bas était d'un serpent. Elle avait, au-dessous des aisselles, des pattes velues; sur le dos, la poitrine et les deux côtés, des lacs peints et des boucliers. Jamais les Tartares et les Turcs ne couvrirent une étoffe de tant de couleurs, dessus, dessous, et jamais Arachné ne tendit de telles toiles. Comme quelquefois les barques stationnent sur le rivage, partie à terre, et comme, chez les Allemands gloutons, le castor se dispose pour sa chasse; ainsi la bête mauvaise s'étendait sur le bord des rochers qui enserrent le sable; elle aiguisait sa queue dans le vide, tordant en haut la fourche vénéneuse, armée de dard comme celle du scorpion. Le maître dit: «Il convient que maintenant notre route se détourne un peu vers cette méchante bête couchée là.» Pour cela nous descendîmes à droite, et fîmes dix pas le long du précipice pour éviter le sable et les flammes.