CHANT XXIV

Vers 94 à 126

DANS LA SEPTIÈME BOLGE, OÙ CROUPISSENT LES BRUTES SANS FOI PARMI D'HORRIBLES SERPENTS, DANTE ET VIRGILE TROUVENT VANNI FUCCI*, VOLEUR SACRILÈGE QUI LAISSA PENDRE SON AMI À SA PLACE

Con serpi le man dietro avean legate;
quelle ficcavan per le ren la coda
e 'l capo, ed eran dinanzi aggroppate.

Ed ecco a un ch'era da nostra proda,
s'avventò un serpente che 'l trafisse
là dove 'l collo a le spalle s'annoda.

Né O sì tosto mai né I si scrisse,
com' el s'accese e arse, e cener tutto
convenne che cascando divenisse;

e poi che fu a terra sì distrutto,
la polver si raccolse per sé stessa
e 'n quel medesmo ritornò di butto.

Così per li gran savi si confessa
che la fenice more e poi rinasce,
quando al cinquecentesimo anno appressa;

erba né biado in sua vita non pasce,
ma sol d'incenso lagrime e d'amomo,
e nardo e mirra son l'ultime fasce.

E qual è quel che cade, e non sa como,
per forza di demon ch'a terra il tira,
o d'altra oppilazion che lega l'omo,

quando si leva, che 'ntorno si mira
tutto smarrito de la grande angoscia
ch'elli ha sofferta, e guardando sospira:

tal era 'l peccator levato poscia.
Oh potenza di Dio, quant' è severa,
che cotai colpi per vendetta croscia!

Lo duca il domandò poi chi ello era;
per ch'ei rispuose: «Io piovvi di Toscana,
poco tempo è, in questa gola fiera.

Vita bestial mi piacque e non umana,
sì come a mul ch'i' fui; son Vanni Fucci
bestia, e Pistoia mi fu degna tana».


Leurs mains étaient liées par derrière avec des serpents; et ceux-ci dans leurs reins enfonçaient la queue et la tête, et se nouaient devant. Et voilà que sur l'un d'eux, qui était près de la même rive que nous, s'élança un serpent qui le piqua là où le col s'articule aux épaules. Jamais ni O, ni J ne s'écrivit aussi vite qu'il s'enflamma, et brûla tout entier, et tomba réduit en cendres. Et lorsque ainsi détruit il fut gisant à terre, la poussière aussitôt se rassembla, et d'ellemême redevint le même corps qu'auparavant, ainsi, au dire des grands sages, le Phénix meurt et ensuite renaît, lorsqu'il approche de sa cinq centième année; il ne se nourrit, durant sa vie, ni d'herbes ni de grains, mais de larmes d'encens et d'amome; et le nard et la myrrhe sont ses derniers langes. Tel que celui qui tombe et ne sait comment, que vit la force du démon l'ait jeté à terre, ou un autre mal qui lie l'homme, quand il se relève regarde autour, troublé par la grande angoisse qu'il a soufferte, et, regardant, soupire: tel était le pécheur, après s'être relevé. Oh! que sévère est la justice de Dieu, dont la vengeance frappe de tels coups!

Le Maître alors lui demanda qui il était; il répondit: «Depuis peu de temps, je suis tombé de la Toscane dans cette gueule cruelle. Me plut une vie bestiale, et non humaine, comme à un mulet que je fus: je suis Vanni Fucci la brute, et Pistoie fut ma digne tanière.


* Selon Lamennais, Vanni Fucci était bâtard de messer Fuccio de Lazzari, de Pistoie, et c'est pourquoi il est ici appelé mulet. Il accusa son ami Valli della Nona d'avoir caché dans sa maison les ornements volés par lui, Fucci, dans la sacristie de la cathédrale de Pistoie, et Vanni fut pendu sur cette accusation.