CHANT XXIII
Vers 45 À 90
DANS LA SIXIÈME BOLGE, OÙ SE PURIFIENT LES ÂMES DES GOURMANDS, DANTE RETROUVE FORESE, SON AMI ET PARENT
Questa favilla tutta mi raccese
mia conoscenza a la cangiata labbia,
e ravvisai la faccia di Forese.
«Deh, non contendere a l'asciutta scabbia
che mi scolora», pregava, «la pelle,
né a difetto di carne ch'io abbia;
ma dimmi il ver di te, dì chi son quelle
due anime che là ti fanno scorta;
non rimaner che tu non mi favelle!».
«La faccia tua, ch'io lagrimai già morta,
mi dà di pianger mo non minor doglia»,
rispuos' io lui, «veggendola sì torta.
Però mi dì, per Dio, che sì vi sfoglia;
non mi far dir mentr' io mi maraviglio,
ché mal può dir chi è pien d'altra voglia».
Ed elli a me; «De l'etterno consiglio
cade vertù ne l'acqua e ne la pianta
rimasa dietro, ond' io sì m'assottiglio.
Tutta esta gente che piangendo canta
per seguitar la gola oltra misura,
in fame e 'n sete qui si rifà santa.
Di bere e di mangiar n'accende cura
l'odor ch'esce del pomo e de lo sprazzo
che si distende su per sua verdura.
E non pur una volta, questo spazzo
girando, si rinfresca nostra pena;
io dico pena, e dovria dir sollazzo,
ché quella voglia a li alberi ci mena
che menò Cristo lieto a dire 'Elì',
quando ne liberò con la sua vena».
E io a lui; «Forese, da quel dì
nel qual mutasti mondo a miglior vita,
cinqu' anni non son vòlti infino a qui.
Se prima fu la possa in te finita
di peccar più, che sovvenisse l'ora
del buon dolor ch'a Dio ne rimarita,
come se' tu qua sù venuto ancora?
Io ti credea trovar là giù di sotto,
dove tempo per tempo si ristora».
Ond' elli a me; «Sì tosto m'ha condotto
a ber lo dolce assenzo d'i martìri
la Nella mia con suo pianger dirotto.
Con suoi prieghi devoti e con sospiri
tratto m'ha de la costa ove s'aspetta,
e liberato m'ha de li altri giri.
Cette étincelle ralluma en moi le souvenir de ce visage changé, et je reconnus celui de Forese.
«Ne te rebute point,» ainsi priait-il, «la sèche écaille qui me décolore la peau, ni de ma chair aucune difformité; mais dis-moi le vrai sur toi et sur ces deux âmes qui t'accompagnent, qui elles sont. Parle sans tarder». - Ta face que morte déjà je pleurai, lui répondis-je, ne m'est pas maintenant un moindre sujet de larmes, la voyant si défaite. Dis-moi donc, au nom de Dieu, ce qui ainsi vous effeuille; ne me presse point de parler, tant que je suis en étonnement, car mal s'explique qui est plein d'un autre souci.
Et lui à moi; «Par une éternelle loi, dans l'eau et dans l'arbre resté en arrière, descend une vertu qui ainsi m'exténue. Toute cette gent qui en pleurant chante, pour s'être outre mesure adonnée à la bouche, dans la faim et la soif ici se refait sainte. De boire et de manger rallume en nous le désir, l'odeur qu'exhalent la pomme et la rosée qui se répand sur le vert feuillage. Et pas une seule fois, en parcourant ce cercle, n'a de rafraîchissement notre peine; je dis peine et devrais dire joie; car ce désir qui nous conduit à l'arbre, est celui qui porte le Christ joyeux à dire «Eli,» lorsqu'avec son sang il nous délivra». Et moi à lui.
- Forese, depuis le jour où tu quittas le inonde pour une meilleure vie, cinq ans ne sont pas encore écoulés.
Si en toi cessa le pouvoir de pécher, avant que survînt l'heure de la bonne douleur qui nous remarie à Dieu, comment ici-haut es-tu venu? Je croyais te trouver encore là en bas*, où par le temps se compensa le temps. Et lui à moi; «Sitôt m'a conduit à boire la douce absinthe des peines, ma Nella** et ses larmes abondantes. Par ses pieuses prières et ses soupirs, elle m'a tiré de la côte où l'on attend, et m'a délivré des autres cercles.
* L'avant-purgatoire.
** Nella, sa femme.