PARACELSE

Il faisait très froid au dehors Gerstäcker et la Mère étaient allés se coucher après le dîner et devaient dormir enfoncés dans leur paillasse sous l'édredon de plumes d'oie. Il restait encore une bonne longueur de chandelle. K. prit le chandelier couvert de larmes de cire, alla, dans sa chambre, le poser sur la table de nuit bancale en noyer foncé à côté du livre de Paracelse. Après s'être déshabillé rapidement il s'enfouit sous l'épais édredon d'un rose fané, appuya sa tête sur le coude gauche et, le livre devant lui, commença à lire la préface non sans avoir regardé longuement le portrait intriguant de PARACELSE, Philippus, Théophrastus Aureolus Bombast Von Hohenheim. Il apprit ainsi que celui-ci, né en Suisse à Einsiedein en 1493, n'était pas seulement un médecin et un chirurgien à la fois réputé et controversé du Moyen Âge, mais aussi un alchimiste, un astrologue, un théologien empli d'une foi profonde. Sa conception de la médecine et de la philosophie entièrement novatrices en firent aux yeux de ses patients, des médecins, des penseurs et de prélats de l'époque, un génie, un fou ou un escroc adulé ou la cible de toutes les attaques.

Après avoir perdu sa mère très jeune, Paracelse fut élevé par Wilhem, son père qui s'installa à Villach en Autriche (ancienne Carinthie) où il était médecin de la ville. Celui-ci initia son fils, très tôt, à la philosophie, aux sciences de la nature, à la botanique, à la médecine. Ce dernier travailla dès l'âge de 9 ans dans une exploitation minière à Schwaz et y acquit des connaissances en minéralogie et en métallurgie.

À 14 ans, il quitta le foyer paternel pour voyager au travers de l'Europe. Il fut pendant dix-sept ans un voyageur infatigable. Esprit curieux, assoiffé de connaissance et d'expériences, il s'intéressa aux pratiques de soins les plus diverses: remèdes de bonne femme, de Bohémiens, de sorcières. Il notait les pratiques populaire, celles des mineurs et des orfèvres, l'art des barbiers. Il obtint à Ferrare, en Italie, selon ses mémoires son diplôme de médecin.

Il composait lui-même le remède pour chaque patient selon sa connaissance de l'alchimie. Il définit plus tard la médecine comme un art spagyrique, dans son Opus Paramirum, en tenant compte des trois composantes de l'être humain: un corps matériel, un corps astral et une partie divine.

Vers 1524, il se fixa à Salzbourg. Homme de pratique, il commença à s'élever avec une virulence inouïe contre les médecins héritiers d'Hippocrate et de Gallien. Profondément croyant, il vilipenda avec la même force les pontifes d'une religion chrétienne, selon lui, tombée dans l'idolâtrie.

Ces prises de positions le mirent au ban, non seulement des notables de Salzbourg, mais aussi de Bâle, malgré les protections que son art de guérir lui avaient valu. Aussi, devint-il à partir de 1528 un vagabond et un révolté, toujours en quête de connaissance, qu'il colportait. Et à côté de cela, certains de ses contemporains le décrivirent provocateur impénitent, truculent, et grand buveur, au verbe mordant et haut en couleur.

Theophrastus, voulant transmettre sa connaissance prit alors le nom latin de Paracelsus et inspiré par la lumière de la nature et par la lumière de la révélation, il écrivit un grand nombre de traités alors non publiés, et laissés dans les villes où il s'arrêtait. Par la suite, ses œuvres furent peu à peu découvertes, rassemblées et publiées.

Après avoir lu la préface, K. entama la lecture du TRAITÉ DES TROIS ESSENCES PREMIÈRES. Il n'en comprenait pas le contenu si éloigné de ses lectures et des manuels de ses études, mais lut quand même l'ouvrage jusqu'au bout. Quelque chose de subtil le traversait malgré lui. Il sentait confusément qu'au-delà du monde sensible où s'inscrivait son savoir, pragmatique et raisonné, son approche intellectuelle de la philosophie antique ou contemporaine, l'esprit humain d'un être pensant pouvait aller bien au-delà. Ce fut comme un élan du cœur qui le traversait et l'emplissait d'un désir nouveau.

Le sommeil le prit, ses yeux se fermèrent et sa nuit fut peuplée de rêves étranges.